charles zana


diplômé de l'école des beaux-arts de paris, charles zana est un architecte français dplg, mais également designer et scénographe, venu à l’architecture d’intérieur par une série de rencontres décisives. il fonde sa propre agence en 1990 et conçoit des lieux d'exception (hôtels, restaurants, maisons, show room...) dans le monde entier, de Paris à Londres, en passant par New York, Tel Aviv et Monaco.

comment en es-tu venu à ce métier et quelles sont tes sources d’inspiration ?
elles sont multiples en réalité. mais la première est, et restera toujours, mes études aux beaux-arts. je dis souvent que je suis entré aux beaux-arts sans savoir vraiment le métier précis que j'allais étudier ou exercer. être architecte pour moi c’était une notion très floue. j'étais fort dans les matières scientifiques et j'avais une réelle envie de travailler autour de l’art… comme à cette époque ces filières de métiers n'existaient pas, on s’est dit naturellement, mes parents et moi, qu’il y avait deux parties dans l'architecture : l’art et la technique. et puis, j’aime raconter cette anecdote en disant que j'ai choisi d’y faire mes études parce que depuis chez moi, c’était direct en bus…

c’était fantastique, six années de découverte de l'architecture, de l'histoire de l'art, de la construction et puis, on était mélangés avec les étudiants des beaux-arts. c'était dans les années quatre-vingt avec des informations venant de partout, on était vraiment au cœur de beaucoup de choses. des années de jeunesse, comme dirait mitterrand, où j'ai beaucoup lu, étudié et je me suis énormément nourri des mouvements d'architecture et de l’art du vingtième siècle, de la littérature, de la musique.

à cette époque, dans ce quartier, un nouveau genre de galeries commençait à sortir. elles travaillaient sur le thème des années trente, surtout françaises, et cela restera toujours le mouvement qui m'a le plus impressionné en globalité. je crois beaucoup au mouvement de l’art dans le sens global, quand il touche la musique, la peinture, la littérature, thèmes correspondants à une période de grands changements. je crois plus aux révolutions qu’aux évolutions donc, les années trente pendant ma période d'études, c’était vraiment ma référence, avec les deux mouvements français comme l’uam (union des artistes modernes) et les arts décoratifs, celui en allemagne, le bauhaus, ceux des pays nordiques, les drakstil. sans oublier l’art and craft en angleterre… toute cette ébullition d'un monde qui changeait, qui se débarrassait d'un carcan esthétique, et par moment lourd de fonctionnalisme, pour s'ouvrir vers des mondes nouveaux.


c’est cela qui te nourrit encore aujourd’hui au quotidien ?
cela me donne un autre regard sur la création, j'ai toujours besoin de contextualiser les choses, avec du fond derrière la forme. j’ai ce besoin que l'art, les artistes, les mouvements artistiques, correspondent aussi à une attitude, à une envie d'évolution de la société, de changement, de création de sens.

une fois mes études achevées, j'ai commencé à aller au salon de milan et là, j'ai été influencé par des designers italiens et par les quatre grands designers italiens de cette époque. dans les années quatre-vingt-dix, ils s’appelaient sottsass, branzi, de lucchi et mendini. le design italien m'a intéressé et séduit justement par sa façon de bousculer la frontière entre l'architecture et le design afin d'amener le design vers une réflexion sociétale, environnementale pour branzi, décorative pour mendini, spirituelle pour sottsass et esthétique pour de lucchi. cela changeait un peu l'ordre des choses et du design que j'avais aimé étudier et qui parlait tout le temps de la fonction. alors que là, c'était un groupe d'architectes très forts sur la réflexion et sur toute une forme d'introspection… sottsass a toujours mis en avant ses propres humeurs dans son design, on peut lire sa vie à travers son œuvre. se débarrasser du protocole, c’est en fait le principe de l'architecte… qui rejoint beaucoup plus le monde artistique ; et ce sont mes grandes passions en architecture.
« je crois au mouvement de l’art dans le sens global, quand il touche la musique, la peinture, la littérature, thèmes correspondants à une période de grands changements. »
quelles sont les personnes ou projets qui, selon toi, constituent des références ?
comme architecte ou décorateur français, celui qui me vient tout de suite à l’esprit c’est jean-michel frank, parce qu’effectivement, j'aime sa façon d'être toujours ancré dans la tradition, dans la matière et dans un savoir-faire. c’est quelqu’un qui a été très discret sur son œuvre. il a constitué une vraie équipe autour de lui, avec notamment giacometti.

pour l’italie, je pense que c’est carlo scarpa qui est pour moi le plus grand architecte italien du vingtième siècle. sinon, comme artiste je dirais picasso, mais ce n’est pas très original.

qu’est-ce que tu aimerais que l’on dise de toi dans plusieurs années ?
on a sorti une collection de meubles il y a six mois qu'on a appelé : ithaque. c’est la ville d'où est parti homère pour y revenir ensuite. je suis venu à l'architecture par le mobilier, donc je pense que laisser du mobilier iconique, laisser certaines formes très simples devenir vraiment des référents de notre époque, c’est ce que j'aimerais pouvoir laisser comme image de mes projets.

quel compliment te touche le plus sur ton travail d’architecte d’intérieur ?
quand j'ai démarré, j'avais l'habitude de dire que j'aimais les architectures où on ne sent pas l’architecte, où tout devient une évidence un peu formelle, où les circulations se déroulent très librement. le meilleur des compliments effectivement, c'est de reconnaître le travail qu'on a fait au bureau, de nous reconnaître au travers de nos projets mais avec le temps, que ça infuse un peu, que le regard au bout d'un moment dise finalement : j'ai l'impression de reconnaître quelque chose, de ne pas travailler sur l'évidence mais plutôt sur une forme d'humilité et de retrait par rapport au projet.

des thèmes de prédilection dans ton approche créative ?
je pars toujours du plan, car en tant qu’architecte, comme les designers italiens d'ailleurs, on compose toujours un plan. on part de trois choses, que ce soit sur les projets de maison, pour une fondation ou une marque. premièrement le contexte où l’on crée, la ville, le lieu, la lumière... deuxièmement c'est l'histoire de la famille ou d'une marque. et troisièmement, d'une forme, de l’ère du temps, d'envie, parce qu’on change avec les années. on a envie de changer et d'amener des choses un peu nouvelles et donc on part toujours de ces trois choses.
« ce qui m'a donné très envie dans vos bracelets ce sont les effets de mat, brillant ; cela m’a donné très envie de retravailler les argents et les argentures. »
quels sont tes matériaux, formes ou motifs fétiches ?
il existe certains matériaux comme le travertin que l’on a beaucoup travaillé parce que, pour moi, c'est une pierre qui est très noble et aussi où l’on voit le passage du temps. le bois creusé, toujours, parce que c'est un peu la même chose, ça révèle la matière, les tons bruts. et c’est marrant parce que c'est justement ce qui m'a donné très envie dans vos bracelets, tous les effets de mat, brillant ; cela m’a donné très envie de retravailler les argents et les argentures, ce qui est un peu compliqué en mobilier, parce que l'argent passe mais je trouve que de voir le signe du temps sur le mobilier est toujours très intéressant.

ton plus gros challenge réalisé ou à réaliser ?
je suis toujours fasciné et intéressé par les nouveaux projets. dès que l’on nous consulte sur un nouveau projet on est toujours survolté à l'agence. on a la chance de pouvoir travailler un peu partout et de ne pas répéter les choses donc, c'est toujours forcément un peu la nouveauté. en ce moment, on nous consulte sur une maison à stockholm ; elle est située dans un quartier complètement art and craft justement comme dans une cité-jardin des années 1900. tout d'un coup, je me dis que stockholm ça me fait rêver, je suis toujours dans l’idée que le prochain projet sera le plus intéressant.

si tu n’étais pas architecte d’intérieur, quel métier ferais-tu ?
c’est difficile… parce que moi je sais depuis mes 10-12 ans que je voulais être dans ce domaine puisqu'effectivement, je m'étais mis dans l’idée que c'était une façon d'étudier l'art. avec le recul aujourd'hui, ce métier, je ne l’ai découvert que maintenant, depuis ces dix dernières années ; je trouve que la direction artistique est une chose que je n'avais pas compris jeune, elle est de plus en plus importante dans le monde où l’on vit. je pense que plus il y a d'images qui sont diffusées, plus il y a de mots qui sont inscrits un peu partout, et plus on va avoir besoin de direction artistique forte. c'est pas vraiment loin de ce que je fais certes mais une pure direction artistique pour travailler sur une marque, sur un sens, finalement sans créer, mais en se disant qu'on arrive à interférer et à bouger les choses.

quelle est la ville qui t’inspire ou te ressemble ?
j'aime beaucoup venise, j’y ai travaillé et fait des expositions, je pense que cette ville me ressemble peut-être parce qu’elle n’est pas au meilleur endroit ; je suis toujours un peu fasciné par les sites et je me demande pourquoi les grandes villes ou les villes importantes dans l'histoire sont là. pourquoi jérusalem est à cet endroit-là ? alors jérusalem, il y a une explication, parce que c'est le point qui est le plus haut quand on monte de la mer avant de redescendre dans le désert, donc il y a une vraie position importante. venise est sans doute une ville qui me ressemble par ses palais assez fantastiques. ce que j'aime beaucoup aussi, c'est son côté ville de marchands, donc j'aime bien ce sentiment qu’elle a été bâtie par des gens qui faisaient du commerce, et le côté un peu fou de cette cité où l’on ne circule pas comme partout.
« je suis toujours fasciné et intéressé par les nouveaux projets. dès que l’on nous consulte sur un nouveau projet on est toujours survolté à l'agence. on a la chance de pouvoir travailler un peu partout et de ne pas répéter les choses. »
qu’est-ce qui a du poids dans ta vie ?
plein de choses la famille, l'amitié, l'amour, mon équipe… .
je pense que ce qui nous différencie des grands architectes d’il y a cent ans c'est qu'on a des constructions d'entreprises où il y a moins d’ego, mais plus l’idée d’amener un bureau, et toute une équipe, à faire quelque chose. aujourd'hui, je suis enseignant depuis cinq ans, ça c'est sympa, c'est vraiment quelque chose qui a du sens pour moi, d'aller une fois par semaine à l'école donner des cours.

quel est le cadeau que tu aimerais recevoir prochainement ?
une montre, et plus particulièrement la tank de cartier.

je sais que maintenant ce sont plutôt les montres chronographes, les grosses montres, mais je préfère la montre de cartier... j’ai vu une photo de serge gainsbourg où il porte cette montre-là et je me dis qu'en fait c'est génial comme attitude.

c’est toujours un peu dans mon histoire de penser qu'il existe des choses très classiques, très fines et c'est leur qualité qui importe. c’est un peu ce que j’ai pensé des bracelets le gramme, j'ai l'impression qu’ils font référence aux bracelets que j'avais quand j'avais dix-sept ou dix-huit ans et qu'on était un peu dans cette époque baba-cool ; on avait tous un bracelet en argent très simple et on lui donnait même de la valeur. je ne sais pas si c'était vrai, mais à l'époque on pensait que ces bracelets avaient une valeur.

et quel cadeau offres-tu à quelqu’un que tu aimes ?
j’aime bien collectionner des bijoux de femme et offrir des bijoux. j’avais vu une très belle exposition sur les bijoux aux arts décoratifs et j’ai trouvé que c'était assez incroyable ce qu’on voyait sur les bijoux d'artistes… parce que c'était un raccourci d'histoire de l'art. je trouve que c’est un exercice très difficile de les ramener vers quelque chose de très simple.

enfin, qu’est-ce que les créations le gramme t’inspirent ?
j’adore ce côté mettant en valeur l'argent, et cette époque où on avait tous un bracelet auquel on donnait une valeur. selon moi, c’est très intelligent cette référence au poids des choses, la durée, le grammage…

j’aime bien mélanger mes deux bracelets ruban le gramme avec mes bracelets en tissu, plus légers.

et si le gramme était une pièce de mobilier, que serait-elle ?
c’est très intéressant parce que l’un de mes objets fétiches en design c'est une chaise appelée la superleggera. elle a été créée par gio ponti et vient d'un village nommé chiavari en italie. les gens y étaient spécialisés dans les créations de chaises très légères.

je me suis demandé, pendant le confinement, si on n’en avait pas un peu assez de cette époque qui finalement complexifiait tout, alourdissait tout… en créant du poids avec des architectes qui ont passé une décennie à réaliser des objets en marbre, ou en métal très lourd. je pense que s'alléger l'esprit, ça va avec le fait d’alléger aussi ce que l'on porte. moi par exemple, j'ai de plus en plus de mal à avoir des choses lourdes, des valises lourdes ou des cartables lourds. alors, quand j’ai vu votre marque, j’ai trouvé très intelligent finalement de se référer au poids, parce qu’on n'y pense jamais… et si vous regardez dans les tendances, mes enfants portent des chaussures très légères. mon fils porte des vestes ultra-légères faites dans ces nouveaux matériaux qui sont super légers.
« j’aime bien mélanger mes deux bracelets ruban le gramme avec mes bracelets en tissu, plus légers. »
son accumulation
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